L'écorce :
Toi, je t'aimais, je t'aimais, je t'aimais tellement ; collée contre toi, contre ta peau souterraine, je sentais la sève te parcourir
et je priais pour qu'un coup de foudre assassin ne vint pas mettre fin à ce bonheur.
L'arbre :
Chez toi, j'ai aimé, j'ai toujours aimé ton étreinte, ta façon moussue de m'envelopper, cette douce armure que tu me fais, et ce silence, cette paix
que tu m'apportes et qui, malgré les orages, me laisse exploser en nouveaux bourgeons à t'offrir comme autant de mots que je tais.
L'écorce :
Bien sûr, j'ai détesté ce port altier, cette prestance que tu étales à tout va ! Cette manière ostentatoire de nous inonder de ta puissance, de nous faire de l'ombre !
Oui ! Tu fais le beau et je n'aime pas ça !
Je n'aime pas que tu minaudes comme cela, en faisant vibrer toutes tes feuilles, je n'aime pas qu'elles te regardent toutes ainsi !
Tu es à moi, tu ne peux m'échapper ! Tu le sais !
L'arbre :
… …
L'écorce :
Aujourd'hui, quand j'y pense, que d'orages n'avons-nous vécus… affrontés ensemble… que de non-dits, jusqu'à cette complicité dans les non-dits…
Tu vieillis, je ne te sens plus palpiter comme avant, lorsque tu étais encore ce frais scion et moi ta tendre enveloppe.
Nous avons maintenant la sagesse des âmes anciennes… celles qui continuent de veiller sur les vivants et sur les morts.
Comme dit le poète, "nous dormirons ensemble".
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